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Mettre les gens au centre de la réduction des risques de catastrophe : nouveau guide de Sphère

The Philippine Red Cross engages communities to better prepare for and cope with the impact of disasters and health hazards

The Philippine Red Cross engages communities to better prepare for and cope with the impact of disasters and health hazards. Photo: Juan Carlo de Vela / Japanese Red Cross Society

 

Sphère vient de publier un nouveau guide pour aider les praticien-ne-s humanitaires dans la mise en œuvre d’activités de réduction des risques de catastrophe (RRC), tout en adoptant une approche basée sur les standards. Cette publication est la deuxième « fiche thématique » de la série de petits guides de Sphère qui regroupent les références à un sujet spécifique du manuel Sphère et proposent des orientations supplémentaires. Éditée en 2019, la première de ces fiches thématiques portait sur la réduction de l’impact environnemental des interventions humanitaires.

Pour mieux comprendre comment mettre les populations au centre des activités de RRC, Sphère s’est entretenue avec les trois auteur-e-s du nouveau guide. Melanie Assauer est coordonnatrice de la gestion des catastrophes chez World Vision Deutschland, et travaille depuis plus de 15 ans dans les contextes humanitaires. Katrin von der Dellen est la chargée de programme en Asie du Sud-Est de CARE Deutschland e.V. Avant de rejoindre CARE en 2011, elle a occupé plusieurs fonctions en lien avec la RRC, notamment au sein de l’agence de coopération allemande GIZ. Martin Kunstmann est le coordonnateur de programme pour l’Asie et point focal RRC de l’agence humanitaire allemande Arbeiter-Samariter-Bund (ASB), dans laquelle il a occupé plusieurs fonctions depuis 2005.


 

Le manuel Sphère ne fait pas explicitement mention de la réduction des risques de catastrophe dans ses principes et standards, et met surtout l’accent sur la phase de réponse à la catastrophe. À votre avis, en quoi le manuel demeure-t-il pertinent lors de la planification, la mise en œuvre ou l’évaluation des activités de RRC ?

Katrin : La réponse humanitaire et les interventions de RRC partagent certaines approches. Les chapitres techniques de Sphère fournissent des orientations sur des domaines tout à fait pertinents pour les mesures de RRC, tels que l’équipement des points d’évacuation avec des installations WASH pour l’assainissement et l’hygiène, les interventions basées sur les transferts monétaires qui permettent de diversifier les moyens d’existence ou encore la construction d’habitats et d’infrastructures résistants aux catastrophes, afin de réduire l’impact des événements ultérieurs et renforcer la résilience des populations affectées.

Melanie : Les travailleur-euse-s humanitaires connaissent bien l’approche du « mieux reconstruire », l’un des piliers du cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe. Si l’on connaît surtout cette approche dans le contexte de la reconstruction, son sens va bien au-delà et peut être interprété comme « mieux construire dès le début ». Elle peut en effet englober la formation des agent-e-s de santé communautaires, la mise en place d’un programme d’assistance monétaire ou la création de tout autre filet de sécurité visant à soutenir la population pendant la phase de relèvement. Le manuel Sphère définit des standards et des recommandations étayées sur l’adoption de cette approche lors de l’élaboration d’un plan de RRC.

 

La réduction des risques de catastrophe englobe-t-elle un concept que les travailleur-euse-s humanitaires devraient songer à inclure dans leur travail ?

Martin : Le Code de conduite pour le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et pour les organisations non gouvernementales (ONG) mentionne que l’intervention humanitaire doit « viser à limiter les vulnérabilités futures ». C’est pourquoi il est important d’envisager les conséquences à plus long terme de tout programme humanitaire. Le manuel Sphère souligne la nécessité de prendre en compte le contexte dans lequel les programmes sont mis en œuvre, mais également de comprendre les vulnérabilités et les capacités des populations affectées et de s’appuyer sur ces capacités locales. En outre, le manuel insiste sur le principe de « ne pas nuire ». L’ensemble de ces aspects est essentiel si l’on veut éviter d’éventuels risques ultérieurs causés par les interventions humanitaires elles-mêmes. Inclure la formation et la sensibilisation dans les programmes d’intervention permet de limiter ces risques.

 

Comment le changement climatique impacte-t-il les catastrophes à l’heure actuelle et, partant, les activités de réduction des risques de catastrophe ?

Katrin : La fréquence et l’intensité des catastrophes naturelles sont en hausse, et le changement climatique a souvent des effets aggravants. En 2019, par exemple, les fortes précipitations, les inondations et l’élévation des niveaux de la mer ont intensifié l’impact des cyclones Idai et Kenneth. Cela a eu pour effet de déclencher une importante crise humanitaire au Zimbabwe, au Mozambique et au Malawi. On considère que, dans le seul Mozambique, 2,2 millions de personnes sont aujourd’hui dans le besoin. De nombreuses études scientifiques indiquent que cette tendance nous mène vers une multiplication des catastrophes climatiques, telles que tempêtes, inondations, vagues de froid et canicule. Pour déterminer les risques qu’encourt une population, il est essentiel d’estimer son exposition et sa vulnérabilité aux facteurs climatiques. Certaines communautés de pays en développement sont confrontées à des catastrophes « à déclenchement lent » (telles que la sécheresse et la désertification, qui mettent du temps à clairement apparaître), ce qui les rend d’autant plus vulnérables.

 

Certains groupes de population sont affectés de manière disproportionnée par les catastrophes du fait de très nombreux obstacles – physiques, mais également sociaux, culturels, économiques et juridiques. Comment les professionnel-le-s humanitaires peuvent-ils et elles veiller à ce que leurs activités de RRC soient réellement inclusives ?

Martin : La conception des mesures de RRC commence par l’identification de ces obstacles. Et l’engagement de la population affectée est absolument indispensable à cette étape. C’est elle la véritable experte ! Ce n’est qu’en impliquant les groupes à risque qu’il sera possible de révéler les lacunes éventuelles et de parvenir à des améliorations avant que la catastrophe ne frappe.

 

Avez-vous déjà connu un échec du fait d’une activité de RRC qui n’était pas assez inclusive ?

Melanie : Je pense que l’un des exemples les plus frappants d’opération de RRC ratée est la réponse mondiale à la pandémie actuelle de COVID-19. Aucun pays n’était préparé à faire face à une telle pandémie et aucun n’est parvenu à placer les besoins des plus vulnérables ou des populations locales au centre de ses interventions. Certains pays en développement ont été davantage impactés par les mesures de RRC en place pour freiner la pandémie que par la pandémie elle-même. J’aurais aimé que les gouvernements utilisent une approche plus humanitaire et suivent les principes directeurs des standards Sphère.

Martin : Le langage utilisé pour communiquer avec les communautés est trop souvent très technique et inaccessible. Il est essentiel, lors de la mise en œuvre d’une activité de RRC, que tout le monde puisse accéder aux informations pouvant potentiellement sauver des vies. Avant que le typhon Haiyan ne frappe l’Asie du Sud-Est en 2013, les communautés locales ne saisissaient pas la pleine mesure de la menace : de nombreux ménages ayant déjà connu des typhons et des inondations, et sous-estimaient largement l’impact possible de l’onde de tempête dans ce cas. Si les messages d’alerte précoce avaient parlé de vagues « comme des tsunamis », la formulation n’aurait peut-être pas été techniquement exacte, mais la communication aurait permis de sauver des vies.

 

Et pourriez-vous nous donner, maintenant, un exemple d’activité de RRC qui ait réellement mis l’intérêt et le bien-être des communautés affectées en son centre ?

Martin : ASB, mon organisation, soutient des organisations locales de personnes en situation de handicap qui interviennent en premier lieu lors de catastrophes. Ce soutien inclut des formations techniques, du mentorat et la mise en relation avec des structures locales de RRC. Une fois formées, ces personnes sont directement impliquées dans les évaluations initiales rapides des besoins et la mise en œuvre des programmes. Ce fonctionnement a eu un résultat très positif : non seulement la quantité d’interventions ciblées a-t-elle augmenté, mais la perception des personnes en situation de handicap s’est grandement améliorée. Elles sont désormais considérées comme une ressource importante dans la communauté.

Melanie : J’ai déjà été contactée par un cabinet de conseil spécialisé dans la cartographie GPS, qui nous proposait des cartes pour les plans d’évacuation. Il nous a présenté ses services, personnalisés en fonction des communautés locales. Le cabinet nous a communiqué des images satellite très détaillées, et a même calculé les itinéraires les plus courts vers les zones d’évacuation. J’ai demandé si le satellite était également en mesure d’estimer les croyances culturelles de la population : si la communauté pensait que cet itinéraire était touché par de la sorcellerie, si les forces armées menaçaient souvent ces lieux, s’il y avait des mines antipersonnel ou des obstacles pour les personnes en fauteuil roulant. Nous avons finalement réussi à élaborer des plans d’évacuation en étroite collaboration avec les communautés, leur donnant accès aux données GPS et traçant des itinéraires qui prenaient en compte les obstacles socioéconomiques, physiques et culturels.

 

Quels sont les défis les plus importants en termes de réduction des risques de catastrophe auxquels le secteur humanitaire sera confronté ces cinq à dix prochaines années ?

Melanie : Je suppose que nous ferons de plus en plus souvent face à des catastrophes d’ampleur mondiale. Mais la prévention des risques doit néanmoins demeurer locale et aussi contextualisées que possible. Les interventions doivent maintenir les personnes et les communautés en leur centre, et se focaliser sur leur intégration, leur appropriation et leur autodétermination. Si les défis sont mondiaux, les réponses, elles, ne le sont pas.

 

Si vous deviez choisir un seul message de la fiche thématique que les professionnel-le-s de l’humanitaire et de la gestion des catastrophes devraient garder à l’esprit, quel serait-il ?

Melanie : Que la réduction des risques de catastrophe est la première étape de toute intervention humanitaire. Le travail de prévention réalisé selon les standards Sphère avant une éventuelle crise permettra d’avoir une intervention plus appropriée pendant la crise.

Martin : Que c’est souvent la population touchée qui intervient en premier lieu lors d’une catastrophe. Cela signifie que les praticien-ne-s humanitaires et de la RRC devraient renforcer la capacité locale de préparation à, et d’intervention suite à des catastrophes, et impliquer la population, les groupes à risque notamment – tels que les personnes âgées ou en situation de handicap – dans la planification et la mise en œuvre de tous les programmes.