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Réflexions sur ma première année à Sphère

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par William Anderson, directeur exécutif de Sphère

Ce 16 janvier marque le premier anniversaire de ma prise de fonction à la direction de Sphère. Cela me semble être le moment idéal pour partager certaines des réflexions que m’ont inspirés les douze derniers mois, et quelques considérations pour l’année à venir.

Je fais deux observations qui se recoupent et s’opposent, depuis que je suis à Sphère : le manuel que nous connaissons et aimons toutes et tous est plus important que jamais, et le sera encore davantage au cours de l’année à venir, mais malgré des niveaux satisfaisants de consultations du manuel en ligne et des ventes des éditions imprimées qui demeurent encourageantes, la sensibilisation à, et la compréhension du manuel, et plus globalement des standards humanitaires, semblent en recul ces cinq dernières années, particulièrement dans les pays du Nord.

Sphère parviendra à renforcer la mobilisation grâce à une communication proactive et des initiatives en faveur de la visibilité.

La prise en compte de ces deux facteurs nécessite, heureusement, une même stratégie. Le réseau Sphère devra parier sur un renforcement de la mobilisation à l’aide d’une communication proactive et d’initiatives en faveur de la visibilité. J’ai d’ailleurs été très fortement impressionné par le dévouement et la passion des centaines de promoteurs et promotrices de Sphère (si vous lisez ceci, vous en faites peut-être partie) qui donnent vie au manuel Sphère et en aiguisent la pertinence pour les utilisateurs et utilisatrices à travers le monde. Sans ses points focaux, membres, formateurs et formatrices et autres promoteurs et promotrices, Sphère n’aurait ni la portée ni la pertinence nécessaires pour remplir sa mission : Sphère définit, promeut et met en application des principes humanitaires et des standards minimums afin de garantir des interventions vitales, protectrices et redevables en temps de crise[1].

Il existe de très nombreuses manières, certaines encore inimaginables, de rendre le manuel Sphère plus efficace en s’appuyant davantage sur les innovations de la technologie numérique.

Les premiers résultats de notre sondage toujours en cours révèlent l’existence d’un consensus sur le souhait que le manuel soit aussi accessible, intuitif et local que possible. C’est dans cet objectif que nous avons décidé avec nos partenaires, anciens et nouveaux, de passer au niveau supérieur. Comme vous l’avez sans aucun doute déjà constaté, si les standards minimums sont universels et qualitatifs, les actions clés et indicateurs clés sont conçus pour être adaptés à chaque contexte. Ceci signifie, par exemple, que l’interaction avec le manuel au Myanmar est différente de celle au Soudan ou en Ukraine. Il existe de très nombreuses manières, certaines encore inimaginables, de rendre le manuel Sphère plus efficace en s’appuyant davantage sur les innovations de la technologie numérique.

Les nombreuses crises à travers le monde traduisent à la fois l’importance et le peu d’attention que les acteurs et actrices étatiques et non étatiques impliqué-es dans les conflits accordent à la Charte humanitaire.

Ces réflexions portent sur les standards techniques, mais il ne faut pas négliger la Charte humanitaire. Les nombreuses crises à travers le monde traduisent à la fois l’importance et le peu d’attention que les acteurs et actrices étatiques et non étatiques impliqué-es dans les conflits accordent à la Charte humanitaire, l’action humanitaire reposant sur des principes et le droit international humanitaire. Le monde entier se sent bien plus fragilisé aujourd’hui qu’il y a quelques années, alors que nous émergions du pic de la pandémie de COVID. Il est ainsi tout à fait compréhensible d’être moins optimistes pour l’avenir. Ici encore, une approche stratégique permettra de relever deux défis qui semblent pourtant opposés : d’un côté de nombreuses personnes considèrent que l’action humanitaire reposant sur des principes est vouée à l’échec, tant d’un point de vue opérationnel que politique, et de l’autre beaucoup d’humanitaires ne sont pas tout à fait sûr-es de la manière dont ces principes doivent être mis en œuvre ni de la façon d’en rendre compte, du niveau local à celui du siège opérationnel.

Sphère se joindra à d’autres pour contribuer à mieux faire comprendre la Charte humanitaire et les principes humanitaires.

Dans le premier cas, l’accord ou entente conclue entre les forces combattantes et les humanitaires, qui dicte les règles à respecter selon lesquelles aucune partie n’interviendra dans le travail de l’autre, a été complètement abandonné ces vingt dernières années. Trop peu de politicien-nes et belligérant-es qui font la guerre aujourd’hui pensent que les conflits devraient être limités pour des motifs humanitaires. Dans le second, la conception selon laquelle la neutralité, l’indépendance et l’impartialité des principes humanitaires sont utilitaires a été dépassée par une vision, qui ne saurait être remise en question, selon laquelle ces mêmes principes sont à tenir pour des valeurs absolues. Ce qu’ils ne sont pas. La neutralité, par exemple, n’est pas une posture éthique face à l’oppression. En outre, les humanitaires sont responsables en première instance de veiller à ce que les principes soient respectés. Ce qu’ils et elles ne font pas. Ce sont plutôt les combattant-es militaires, les soldat-es des gouvernements, les groupes armés non étatiques ou les « terroristes » qui le font, c’est-à-dire les personnes qui tiennent les armes et lancent les missiles. Au cours de l’année à venir, Sphère se joindra à d’autres pour contribuer à mieux faire comprendre la Charte humanitaire et les principes humanitaires, afin qu’ils parviennent à mieux réaliser leur objectif de limiter la mortalité et la souffrance humaine. Il est difficile d’écrire ces lignes alors que, pour ne donner qu’un seul chiffre insupportable dans un seul lieu, plus de 10 000 enfants ont été tué-es par les bombes lâchées sur Gaza dans les trois mois qui ont suivi le 8 octobre 2023. Où est l’espoir pour les familles endeuillées de leurs enfants ?

Nous devons déployer plus d’efforts pour renforcer nos connaissances collectives et partager plus largement nos expériences, les bonnes comme les mauvaises.

En cette année électorale, les conflits en cours et les inquiétudes croissantes relatives au chaos climatique, aux flambées de pandémie, aux cyberattaques et aux catastrophes, les humanitaires ont le choix de la réponse à apporter. Nous pouvons nous figer face à des difficultés qui peuvent sembler insurmontables et nous lamenter que le secteur ne soit pas adapté et que nous ne réussirons jamais à tout résoudre. Ou nous pouvons renverser les problématiques et notre rôle, sachant que nous ne sommes pas seul-es, que si nous ne faisons rien, qui le fera, et qu’en réalité, nous n’avons d’autre choix que de nous appuyer sur les épaules des humanitaires qui se sont remonté les manches avant nous. En 2024, nous devons déployer plus d’efforts pour renforcer nos connaissances collectives, partager plus largement nos expériences, les bonnes comme les mauvaises, et assumer la responsabilité de savoir quand et comment mettre en œuvre l’impératif humanitaire en tant qu’action morale absolue, et quand cesser les opérations dès lors que l’aide humanitaire n’est plus la réponse adéquate.

Outre son engagement sur ces problématiques graves, Sphère soutiendra également CHS Alliance et le Groupe URD qui révisent la Norme humanitaire fondamentale, l’un des trois chapitres de base du manuel. Nous réviserons et publierons également de nouveaux supports de formation de Sphère, à la fois en termes de contenus et en langues, et avons prévu de nombreuses autres initiatives, dont de nouvelles assemblées publiques en ligne pour les point focaux et les membres.

Lorsque nous coopérons, nous ne le faisons pas pour nous-mêmes, mais bien pour les personnes qui en ont le plus besoin.

Donc, peu importe qui remportera l’élection, et peu importe l’ampleur et la portée des catastrophes, je suis prêt à relever les défis de la nouvelle année avec résolution parce que je sais que le réseau de Sphère est solide, que la Charte humanitaire et les standards minimums sont aujourd’hui plus nécessaires que jamais, et parce que lorsque nous coopérons, nous ne le faisons pas pour nous-mêmes, mais bien pour les personnes qui en ont le plus besoin. Nous n’avons pas d’autre choix.

Venez me retrouver sur LinkedIn pour me dire ce que vous en pensez. Êtes-vous d’accord ? Quelles sont vos préoccupations pour l’année à venir ?


[1] Cette mission est extraite de la nouvelle Théorie du changement (TdC) de Sphère. Ne manquez pas la publication de ce document plus tard dans l’année.